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Manifestations en Russie : la presse pro-Poutine dénonce la « provocation » d’Alexeï Nalvany

L’opposant, dépeint comme un « Lénine moderne » par le « Moskovskii Komsomolets », chercherait sans cesse le « scandale », condamnent les médias pro-gouvernementaux.

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Publié le 13 juin 2017 à 18h36, modifié le 13 juin 2017 à 18h51

Temps de Lecture 3 min.

La police anti-émeute arrête un manifestant lors du rassemblement anti-corruption organisé par l’opposant Alexeï Navalny, sur la rue Tverskaïa, dans le centre de Moscou, en Russie, le 12 juin 2017.

Un ardent désir de pouvoir, le sentiment d’une cause juste… Au lendemain des manifestations contre la corruption, organisées par Alexeï Navalny le 12 juin, Moskovskii Komsomolets (MK) dépeint l’opposant comme un « Lénine moderne » – le bagage idéologique en moins. Les qualités politiques de M. Navalny forcent le respect, reconnaît le quotidien indépendant, l’un des rares gros tirages de Russie. Dans son jeu du chat et de la souris avec les autorités, le pourfendeur des élites corrompues ménage ses effets et affole le Kremlin. Mais « nous avons déjà eu un Lénine, nous n’avons pas besoin d’un second », conclut le journal populaire.

Alexeï Navalny dans un tribunal moscovite, après son arrestation à Moscou, le 12 juin 2017.

« Gâcher la fête »

C’est une « provocation », disent de leur côté les quotidiens pro-gouvernementaux, en chœur avec les autorités. En ce jour de l’indépendance, les partisans de M. Navalny ont voulu gâcher la fête, estime ainsi Rossiiskaïa Gazeta. Le journal décrit les parents effrayés par les manifestants venus troubler le festival historique sur l’avenue Tverskaïa, proche du Kremlin. Prenant l’événement à la légère, MK ironise sur la « promenade » avec l’OMON – la police antiémeute – sur la Tverskaïa et les jeunes portant des bannières, « premiers “clients” de la police ».

Si Alexeï Navalny a modifié au dernier moment l’itinéraire de la manifestation, c’est pour « rafler la couronne de leader de l’opposition », dénonce Komsomolskaïa Pravda, favorable au pouvoir. Candidat à la présidentielle de 2018, il est officiellement inéligible car condamné pour détournement de fonds (un jugement rejeté par la Cour européenne des droits de l’homme). Son objectif, renchérit le tabloïd : être arrêté par la police et passer sur toutes les télévisions occidentales. Le blogueur a accusé dimanche 11 juin, au soir, sur YouTube, la mairie de Moscou de tenter de faire capoter son rassemblement prévu sur l’avenue Sakharov, en empêchant tous les prestataires de lui louer une scène et des équipements sonores. D’après le journal, « Navalny a ouvertement menti », cherchant le « scandale ».

Alexeï Navalny a été condamné à trente jours de prison pour cet appel. L’ancien juriste de 41 ans est « vexé » car « il va manquer le concert de Depeche Mode » (qui se tiendra le 15 juillet à Moscou), rapporte avec humour son avocat dans Gazeta.ru, l’un des sites d’actualité les plus visités. La police l’attendait en bas de son immeuble pour l’arrêter. La scène a inspiré le caricaturiste Sergueï Elkine.

Izvestia, journal libéral et pro-gouvernemental, souligne surtout le peu d’écho supposé de ces manifestations non autorisées, reprenant les chiffres du ministère de l’intérieur : 4 500 personnes à Moscou, 3 500 à Saint-Pétersbourg, 1 500 dans les autres villes russes. Des chiffres impossibles à vérifier, les manifestants s’étant mêlés à la foule.

Mobilisation des jeunes

La police a arraché des gens à la foule, alors qu’ils se dirigeaient lentement vers le métro, témoigne un journaliste du quotidien économique de référence, Kommersant, à tendance pro-gouvernementale. L’OMON a embarqué une femme qui discutait tranquillement avec son amie, puis tenté de déchirer la carte de presse du journaliste qui lui demandait des explications.

Après la manifestation du 26 mars, le mouvement continue de rassembler des jeunes, et se radicalise, prévient RBK, un autre quotidien économique, indépendant. L’objectif de M. Navalny est de politiser la société, explique l’influent Vedomosti, indépendant et plutôt critique.

Un couple devant des membres de l’OMON, la police anti-émeute, lors de la manifestation organisée par Alexeï Navalny, à Moscou, le 12 juin.

Plus de 1 500 personnes ont été arrêtées à travers le pays, dont au moins 866 manifestants à Moscou et 600 à Saint-Pétersbourg, d’après l’ONG spécialisée OVD-Info. Parmi eux, beaucoup de mineurs. « Après les répressions policières des 12 juin et 26 mars, avez-vous peur de vous rendre aux manifestations ? », sonde la chaîne de télévision indépendante sur Internet Dojd sur Twitter. Elle énumère dans un reportage les noms de personnes arrêtées.

La radio américaine Radio Svoboda (Radio Liberty) insiste, elle, sur la peur des autorités, qui « devient visible », devant un mouvement qui ne s’éteint pas.

Bataille pour le pouvoir

A Moscou, les manifestants protestaient surtout contre le programme de rénovation de la ville, signale, quant à lui, le site russophone alternatif Meduza, établi en Lettonie. La classe moyenne de la capitale refuse la destruction de ses immeubles prévue par la mairie et exprime son mécontentement.

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« La manifestation s’est terminée. La bataille pour le pouvoir a débuté. » Pour le journal d’opposition Novaïa Gazeta, c’est la fin d’une époque, celle de la protestation citoyenne qui a commencé juste avant la réélection de Vladimir Poutine, il y a six ans. Les Russes assistent désormais à la lutte de Navalny pour accéder au poste suprême. L’arrestation de simples passants, qui se trouvaient au mauvais moment au mauvais endroit, signerait la radicalisation du pouvoir. Et l’absence de candidat de l’opposition à la présidentielle de 2018 risque de délégitimer l’élection.

  • Dans le centre de Moscou, le 12 juin.

    Dans le centre de Moscou, le 12 juin. MAXIM SHEMETOV / REUTERS

  • A Saint-Pétersbourg, le 12 juin.

    A Saint-Pétersbourg, le 12 juin. DMITRI LOVETSKY / AP

  • Le canard en plastique jaune, devenu l’un des symboles de la contestation, représente les bipèdes présents sur l’une des luxueuses propriétés du premier ministre, Dmitri Medvedev. A Saint-Pétersbourg, le 12 juin.

    Le canard en plastique jaune, devenu l’un des symboles de la contestation, représente les bipèdes présents sur l’une des luxueuses propriétés du premier ministre, Dmitri Medvedev. A Saint-Pétersbourg, le 12 juin. DMITRI LOVETSKY / AP

  • A Moscou, le 12 juin.

    A Moscou, le 12 juin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP

  • A Saint-Pétersbourg, le 12 juin.

    A Saint-Pétersbourg, le 12 juin. ANTON VAGANOV / REUTERS

  • Des policiers interpellent un manifestant à Saint-Pétersbourg, le 12 juin.

    Des policiers interpellent un manifestant à Saint-Pétersbourg, le 12 juin. ANTON VAGANOV / REUTERS

  • Sur la pancarte de cette manifestante, on peut lire au-dessous du visage du président Vladimir Poutine : « Ça suffit. » A Moscou, le 12 juin.

    Sur la pancarte de cette manifestante, on peut lire au-dessous du visage du président Vladimir Poutine : « Ça suffit. » A Moscou, le 12 juin. DMITRI LOVETSKY / AP

  • A Moscou, le 12 juin.

    A Moscou, le 12 juin. MAXIM SHEMETOV / REUTERS

  • A Moscou, le 12 juin.

    A Moscou, le 12 juin. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP

  • Sur le drapeau russe est écrit « Navalny », le nom de l’opposant numéro un au pouvoir. A Moscou, le 12 juin.

    Sur le drapeau russe est écrit « Navalny », le nom de l’opposant numéro un au pouvoir. A Moscou, le 12 juin. MAXIM SHEMETOV / REUTERS

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